Noëmi a alors commencé depuis peu le cycle de ses albums yiddish avec son groupe Blik (Kalyma, Alfama, Zimlya) et une activité scénique variée, entre création contemporaine, récitals et théâtre musical – un univers kaléidoscopique dans l’esprit de sa culture familiale, qui mêle Brel, Brassens, Sylvestre aux musiques traditionnelles et au jazz. »
Mais elle mettra très longtemps à chanter sa langue natale, comme si elle arpentait son identité en commençant par le plus lointain, dans l’espace comme dans le temps. En studio, elle aborde vraiment le français en 2023 par les splendeurs moirées de la mélodie française, avec l’album Le Temps de rêverdans lequel elle chante Verlaine, Prévert ou Baudelaire avec le quatuor Dutilleux et le pianiste David Kadouch.
Pour aborder l’œuvre de Barbara, elle mêle d’inépuisables classiques et des chansons plus rares, sans négliger le répertoire solaire d’une autrice et compositrice douée pour la jubilation et la sensualité. Pour ces quinze chansons, elle souhaite une sobriété vers laquelle convergent Fabien Cali et Débora Waldman, l’orchestre épousant son souffle, tout comme le pianiste Guillaume de Chassy pour deux titres. Dans le sacré du chant de Barbara comme dans son espièglerie, dans les lueurs de l’enfance comme dans les ombres de la mélancolie, il ne s’agit pas seulement d’explorer un bagage de notes et de mots, mais aussi de ce patrimoine d’émotions, d’aveux et de silences qui participe à l’identité de millions de francophones.
Au passage, un double symbole de cette continuité : Maxime Le Forestier est venu joindre sa voix à la sienne dans La Dame brune, enregistré par Barbara en 1967 avec Georges Moustaki, et, pour Le Bois de Saint-Amand, Noëmi Wasfeld a convié sa propre fille à chanter avec elle. Toujours, de génération en génération, le génie d’autoportraits à jamais partagés.
Bertrand Dicale